Dans la peau d’une poussette…

Huit heures du matin, la porte s’ouvre et laisse entrer un air glacé en même temps que le cri strident de mon petit propriétaire. Paul est malheureux. Il doit partir à la crèche. Ma journée commence. Ciao les vélos silencieux et mon pote le scooter. A ce soir…

Je suis sortie du locale poussette sans ménagement. On ouvre les entrailles de ma couverture pour que le petit roi puisse s’installer bien au chaud sur son trône. Les pleurs stoppent nets. C’est que je suis confortable et que j’ai des suspensions à l’épreuve des trottoirs les plus élevés !

C’est partie pour une balade d’un quart d’heure jusqu’à la garderie des lilliputiens. Je tourne, je saute, je virevolte. Une embardée à gauche pour éviter une crotte de chien, un virage à droite pour laisser passer la vieille dame du 48. Paul est aux anges. Sa maman est pressée et nous allons vite.

Arrivés à la crèche, la zone de stockage de mes congénères est déjà pleine. La maman de Paul saisit son fils et m’envoie m’échouer un peu plus loin au milieu de la pièce. Bonne journée « petit patron », à ce soir ! Pas un regard pour moi, ils sont déjà partis. Et me voilà, pour les prochaines heures, entourée de vieilles poussettes cannes toutes sales qui ont connu vomi, morceaux de pain moisis et pieds d’enfants sur plusieurs générations, mais aussi de rolls à quatre roues toutes plus belles et suréquipées les unes que les autres. Franchement je n’ai pas à rougir. Avec mes quatre roues motrice, ma capote jaune et ma calandre chromée, j’ai tout d’un bolide de luxe !

Entre copines la compétition fait rage. Dix heures par jour, cinq jours par semaine, nous nous détaillons, nous comparons et remarquons la moindre nouvelle trace de chocolat ou de bave sur l’une d’entre nous. Les plus belles sont des pestes qui ne parlent qu’entre elles. Ces pimbêches forment un clan auquel je refuse d’adhérer, même si elles me font souvent comprendre que je suis des leurs. Vous m’imaginez parler pendant des heures d’accessoires de mode, de couleurs de tissus ou de shampoing ?

J’aime mieux papoter avec les filles plus simples, qui ne sont pas là pour la représentation. Elles ont toujours plein d’histoires à me raconter et de l’expérience à me faire partager. Certaines ont véhiculé plusieurs enfants d’une même fratrie…et il s’en passe des choses dans la vie d’une poussette ! Ma meilleure copine est une vieille poussette double à laquelle on a attaché une planche de skateboard pour que la nourrice puisse trimbaler quatre enfants de 6 mois à 5 ans tous les jours ! Elle n’a pas fière allure. Ses vieux os n’en peuvent plus. Elle est sur les rotules, mais qu’est ce qu’elle a l’air de s’amuser ! Il paraît que les deux grands lui font des sacrés blagues sur le toboggan du parc lorsque la nounou fait mine de tourner la tête !

Le temps passe vite quand on papote. Dix huit heures, Paul arrive. Il est fatigué de sa journée, mais heureux de retrouver les bras de sa maman et le moelleux de mon assise. Après un gros câlin, il est déposé délicatement dans ma couverture et nous repartons tranquillement vers la maison. Les vitrines sont éclairées. Nous nous arrêtons devant chaque magasin pour détailler les décors. Comme c’est beau en pleine nuit ! Mon petit bonhomme semble tellement heureux que je pourrais rester dehors sous la pluie pendant des heures. Mais l’ordinateur portable et le sac à main de sa maman pèsent lourd sur mes épaules. Je sens que je vais souffrir du dos une bonne partie de la nuit !

Après un dernier détour par la boulangerie, où je croise quelques vieilles connaissances, je retrouve mon local pour la nuit. Les vélos silencieux sont toujours là, attachés au clou. Mon pote le scooter n’est pas encore rentré de sa journée de travail. Je vais l’attendre une petite heure, juste le temps de ma sieste et nous nous raconterons notre journée une bonne partie de la nuit. J’ai encore pas mal de choses à lui dire.
 

C’est mieux qu’une vie de chien quand même!

Ceci est ma contribution au concours organisé par Femin’elles pour gagner la pack Connexion de Safety 1St  Outdoor.